La grosse pomme
Sur la Cinquième
Des taxis fous conduits par des Indiens enturbannés
Jouent aux montagnes russes
Sur d’irréparables nids de poule

À Soho
Des Chinois imberbes et de mauvais poil
Des hispaniques au visage d’ange et à la gâchette facile
Des Irlandais soûls et bien fringués
Déambulent
Sur Broadway
Des noirs obèses et affamés
Mastiquent des hamburgers géants
Dilués dans trois litres de Coke
Et près d’une échoppe de falafel
Dans le Village, au coin de Prince
Des Juifs calottés, barbus, aux habits amples
Armés de redoutables sandwiches dégoulinants
Devisent dans la bonne humeur
Avec des Arabes
Qui leur ressemblent comme deux gouttes d’eau.
Ah…New York!

Évidemment, les éternels optimistes que sont mes concitoyens, trouveront explication à toute catastrophe et y verront une étape indispensable sur le chemin de la normalisation. Et au fond, comment ne pas leur donner raison? Comment peut-on survivre à tant de soubresauts, de remises en question, d’incertitudes, de vide sécuritaire et d’incapacité de pouvoir décider quoique ce soit, si ce n’est qu’en se barricadant derrière un mur d’espoir, aussi mince fut-il? Et puis toujours cette même question qui rythme les jours et les nuits de plus d’un : partir ou rester? Ceux nombreux qui se sont installés au Canada par exemple, parlent d’hivers polaires, de nez et d’oreilles qui se glacent, de la difficulté de trouver du travail et de la cherté de la vie. Nombre d’entre eux, après quelques années au pays de la feuille d’érable sont retournés désenchantés, même s’ils gardent des grands espaces et de la gentillesse des gens une certaine nostalgie. Ceux partis aux États-Unis semblent s’être mieux adaptés, ou peut-être se sont-ils simplement dissous dans la masse du «melting pot» sans trop se poser de questions. De toute manière, où qu'ils aient décidé de s'installer, rares sont ceux partis au cours des dix dernières années et qui ont réussi leur émigration. La diaspora Libanaise forte de ses vingt millions de personnes éparpillées de par le monde, n’a pas attendu les derniers problèmes pour faire le grand pas, et les récents départs ne semblent être que de temporaires déplacements vers les mirages de Dubaï, en attendant...