Sunday, June 03, 2007

Retour de Beyrouth

Rien ne va plus, comme disait Roukoz le prince des croupiers; l’homme à la célèbre moustache éternellement gominée et dont la voix de stentor retentit encore dans mes oreilles trente cinq ans après les dernières nuits folles du Casino du Liban. Évidemment, les éternels optimistes que sont mes concitoyens, trouveront explication à toute catastrophe et y verront une étape indispensable sur le chemin de la normalisation. Et au fond, comment ne pas leur donner raison? Comment peut-on survivre à tant de soubresauts, de remises en question, d’incertitudes, de vide sécuritaire et d’incapacité de pouvoir décider quoique ce soit, si ce n’est qu’en se barricadant derrière un mur d’espoir, aussi mince fut-il? Et puis toujours cette même question qui rythme les jours et les nuits de plus d’un : partir ou rester? Ceux nombreux qui se sont installés au Canada par exemple, parlent d’hivers polaires, de nez et d’oreilles qui se glacent, de la difficulté de trouver du travail et de la cherté de la vie. Nombre d’entre eux, après quelques années au pays de la feuille d’érable sont retournés désenchantés, même s’ils gardent des grands espaces et de la gentillesse des gens une certaine nostalgie. Ceux partis aux États-Unis semblent s’être mieux adaptés, ou peut-être se sont-ils simplement dissous dans la masse du «melting pot» sans trop se poser de questions. De toute manière, où qu'ils aient décidé de s'installer, rares sont ceux partis au cours des dix dernières années et qui ont réussi leur émigration. La diaspora Libanaise forte de ses vingt millions de personnes éparpillées de par le monde, n’a pas attendu les derniers problèmes pour faire le grand pas, et les récents départs ne semblent être que de temporaires déplacements vers les mirages de Dubaï, en attendant...

À l’aéroport, ma tristesse s'amplifie encore plus. Les rares voyageurs déambulent à travers les longs corridors aux sols brillants. Les boutiques hors-taxe sont presque vides et les vendeuses semblent me jeter un regard de reproche.
« Alors mon brave monsieur, on a peur? On préfère son petit chalet douillet loin des bombes? Et on se moque éperdument des pauvres qui continueront à subir les affres des agressions auxquelles ils ne comprennent rien. Oh, allez mon cher monsieur. On a l’habitude. Les Libanais de l’étranger ne nous aiment que lorsque les choses vont relativement bien. Alors, ils reviennent; ils s’amusent et nous rapportent de l’espoir; et puis aussi un peu d’argent en versant quelques gouttes d’huile dans notre minable machine économique. Mais, dès la première pétarade, on sonne l’hallali et zou; vous partez comme vous êtes venus, la larme à l'oeil, en rapportant avec vous votre sac de pistaches sous un bras et un sachet de thym séché de votre village natal sous l’autre. Peut-être jusqu’à la prochaine accalmie. Peut-être sans jamais revenir ».

Avaient-elles réellement pensé tout ça ou était-ce simplement mon imagination? Après tout, ça n’avait aucune importance vu que c’était exactement mon état d’esprit.