Premiers Émois
Premiers émois
(Elles que j’ai aimées sans savoir)
La nageuse
Elle venait me chercher l'après-midi
À l’heure où tout le monde faisait la sieste
Elle me prenait par la main
Et docile; comme un automate
Je l’accompagnais jusqu’à la berge.
Corps d’athlète
Maillot noir une pièce
Je n’osais trop regarder
Et feignais l’indifférence
Que mon âge suggérait.
Plongeon parfait
Assis au bord de l’eau
N’osant croire à mon bonheur
Je la regardais nager au loin
Ses mouvements précis
Coupaient l’eau noire du fleuve
Comme une lame
Laissant derrière elle
Un sillon rectiligne
Et des vaguelettes sur lesquelles
Flottaient éphémères
L’écume et les bulles.
À sa sortie de l’eau
Je lui tendais une serviette
Et le sourire qu’elle m’offrait
En guise de reconnaissance
M’enivrait de joie.
Puis le retour
Sans parler
Ma main dans la sienne.
Chaperon de la belle
Sans en connaître le sens
J’ai connu l’extase
Peut-être même l’amour.
Je ne me souviens pas de son nom
Mais je n’oublie ni ses yeux, ni son maillot noir.
Ella avait 16 ans
J’en avais dix.
La petite bonne des voisins
Belle comme un ange
Vulgaire culotte de lin
À demi-nue
Ses seins naissants
Et son insouciance totale
Me parlant de sa fenêtre
Faisant le premier geste
Pour traverser le vide qui nous séparait
Et mon cœur qui battait la chamade
Et qui n’osait croire
Que peut-être, j’allais la toucher
Les baigneuses
Voyeur sans le savoir
Attiré par leurs cris de joie
Et le bruit de l’eau
Entre les joncs de la hutte
J’entrais dans un monde magique.
Je découvris leurs corps luisants
Et l’eau ruisselante
Tombant dans le bac
Ou chacune à son tour
Faisait ses ablutions
Inconscientes
Heureuses.
Et l’enfant que j’étais
Ne comprenait rien
À la raison de son bonheur
Et encore moins à celle de sa honte.
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